DiffĂ©rences de traitement opĂ©rĂ©es par voie dâaccord collectif : prudence !
Depuis plusieurs arrĂȘts rendus en 2015 (n°13-22.179, 13-25.437, 13.23.818), la Cour de cassation jugeait que les diffĂ©rences de traitement entre catĂ©gories professionnelles opĂ©rĂ©es par voie dâaccords collectifs sont prĂ©sumĂ©es justifiĂ©es, de sorte quâil appartient Ă celui qui les conteste de dĂ©montrer quâelles sont Ă©trangĂšres Ă toute considĂ©ration de nature professionnelle. Ainsi, la charge de la preuve reposait sur le salariĂ©. La Cour de cassation avait justifiĂ© sa position par le fait que ces accords Ă©taient nĂ©gociĂ©s et signĂ©s par des organisations syndicales reprĂ©sentatives investies de la dĂ©fense des droits et intĂ©rĂȘts des salariĂ©s.
Par un arrĂȘt du 3 avril 2019 destinĂ© Ă la plus large publicitĂ©, la Cour de cassation a refusĂ© de gĂ©nĂ©raliser lâapplication de cette prĂ©somption Ă toutes les diffĂ©rences de traitement instituĂ©es par accord collectif. Dans lâaffaire soumise Ă la Cour de cassation, une salariĂ©e revendiquait le bĂ©nĂ©fice de mesures prĂ©vues dans un accord collectif qui conditionnait ce bĂ©nĂ©fice Ă la nĂ©cessitĂ© dâĂȘtre prĂ©sent sur le site depuis 2011, ce qui nâĂ©tait pas le cas de cette salariĂ©e arrivĂ©e en 2012.
Pour justifier sa dĂ©cision, la Cour de cassation explique que cette prĂ©somption serait, dans les domaines oĂč est mis en Ćuvre le droit de lâunion europĂ©enne, contraire Ă celui-ci ; en effet, cela ferait reposer sur le seul salariĂ© la charge de la preuve de lâatteinte au principe dâĂ©galitĂ© en contradiction avec le mĂ©canisme probatoire propre au droit de lâUnion EuropĂ©enne. La Cour rappelle que selon le juge europĂ©en, un accord collectif nâest pas en soi de nature Ă justifier une diffĂ©rence de traitement (CJUE, arrĂȘts du 8 avril 1976, C-414/16).
Pour autant, ce nâest pas la fin de la prĂ©somption de justification des diffĂ©rences de traitement, puisquâelle est Ă©cartĂ©e dans les domaines oĂč est mis en Ćuvre le droit de lâUnion EuropĂ©enne. Elle sâapplique donc encore aux inĂ©galitĂ©s de traitement conventionnelles fondĂ©es sur :
- Lâappartenance Ă des catĂ©gories professionnelles distinctes ;
- Des fonctions distinctes ;
- Lâappartenance Ă des Ă©tablissements diffĂ©rents.
Cette décision invite par conséquent à faire preuve de vigilance dans la rédaction des accords collectifs qui contiendraient des différences de traitement entre salariés.