Covid-19 : imposer la prise de jours de RTT seulement si lâentreprise justifie de difficultĂ©s Ă©conomiques
Lâordonnance nÂș 2020-323 du 25 mars 2020 prĂ©voit la possibilitĂ© pour lâemployeur, dâimposer ou de modifier, dans la limite de 10 jours et sous rĂ©serve de respecter un dĂ©lai de prĂ©venance dâau moins 1 jour franc, la prise de jours de RTT, de jours du forfait jours ou des droits affectĂ©s sur le CET.
Lâordonnance indique que ce dispositif dĂ©rogatoire est possible « lorsque l’intĂ©rĂȘt de l’entreprise le justifie eu Ă©gard aux difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©es Ă la propagation du Covid-19 ».
ArrĂȘtons-nous sur cette notion de « difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©es Ă la propagation du Covid-19 » Ă la lumiĂšre de la dĂ©cision de la Cour dâappel de Paris du 1er avril 2021 (n° 20/12215).
Pour la Cour dâappel de Paris :
- Lâordonnance du 25 mars 2020 prĂ©voit expressĂ©ment et clairement que ces mesures dĂ©rogatoires ne peuvent intervenir que lorsque lâintĂ©rĂȘt de lâentreprise le justifie eu Ă©gard aux difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©es Ă la propagation du Covid-19.
- Et quâil appartient Ă lâemployeur de rapporter la preuve de ces difficultĂ©s.
En lâespĂšce, pour justifier lâusage de ce dispositif dĂ©rogatoire, la sociĂ©tĂ© avançait, au titre des difficultĂ©s Ă©conomiques, deux arguments :
- La nĂ©cessitĂ© dâadapter son organisation face Ă une augmentation inattendue de lâabsentĂ©isme tenant au fait quâune partie de ses collaborateurs se trouvaient Ă leur domicile sans pouvoir exercer leur activitĂ© en tĂ©lĂ©travailâ;
- La nĂ©cessitĂ© dâamĂ©nager les espaces de travail et dâadapter le taux dâoccupation des locaux en raison des conditions sanitaires.
- Pour la Cour, les difficultĂ©s dâorganisation et lâabsentĂ©isme liĂ©s Ă la pandĂ©mie ne suffisent pas Ă caractĂ©riser lâexistence de difficultĂ©s Ă©conomiques.
Elle estime que cet argument ne répond donc pas à la notion de difficultés économiques liées à la propagation du virus et décide que les notes de services imposant la prise de jours de repos constituent un trouble manifestement illicite. (Elle déboute néanmoins le syndicat de sa demande de recréditer les jours de repos, estimant que seul le CPH est compétent pour statuer sur ce point).
A la lecture de cette dĂ©cision on peut lĂ©gitimement sâinterroger sur la notion de « difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©s Ă la propagation du Covid-19 ». Faut-il se rĂ©fĂ©rer aux « difficultĂ©s Ă©conomiques » telles que prĂ©vues Ă lâarticle L. 1233-3 du Code du travail relatif aux licenciement pour motif Ă©conomique ? La Cour nây rĂ©pond pas et se livre Ă une lecture qui aurait tout autant pu ĂȘtre inverse. En effet, la loi dâhabilitation du 23 mars 2020 autorise lâemployeur Ă imposer des jours de repos « afin de faire face aux consĂ©quences Ă©conomiques, financiĂšres et sociales de la propagation de l’Ă©pidĂ©mie de covid-19 ». Elle nâĂ©voque pas des « difficultĂ©s » mais des « consĂ©quences » liĂ©es Ă lâĂ©pidĂ©mie.
A ce jour, il existe donc une insĂ©curitĂ© juridique sur ce point. Dans lâattente de la dĂ©cision de la Cour de cassation qui a Ă©tĂ© saisie, nous invitons les entreprises Ă ĂȘtre vigilantes sur cette question et Ă sâassurer, avant dâimposer des jours sur la base du dispositif dĂ©rogatoire, de pouvoir, le cas Ă©chĂ©ant, motiver leur dĂ©cision par des « difficultĂ©s Ă©conomiques » et non par de « simples consĂ©quences Ă©conomiques » liĂ©es Ă lâĂ©pidĂ©mie.
A noter :
Ce dispositif dĂ©rogatoire est prolongĂ© jusquâau 30 juin 2021 voire jusquâau 15 septembre 2021 selon le projet de loi relatif Ă la gestion de la sortie de crise sanitaire.
Le projet de loi envisage Ă©galement la possibilitĂ©, dans le cadre dâun accord collectif, dâimposer la prise de jours de congĂ©s payĂ©s acquis qui ne serait plus limitĂ© Ă 6, mais Ă 8 jours ouvrables.