La mise à pied disciplinaire du salarié protégé ne nécessite pas son accord préalable

Par |2025-03-05T18:21:36+01:00mars 5th, 2025|A la une, actualités générales|

Un salariĂ© protĂ©gĂ©, Ă  l’instar des autres salariĂ©s, peut ĂȘtre sanctionnĂ© s’il enfreint les rĂšgles de discipline ou ses obligations professionnelles.

Si l’employeur est libre du choix de la sanction qu’il considĂšre la plus adaptĂ©e au comportement du salariĂ© protĂ©gĂ©, il lui est nĂ©anmoins interdit d’imposer Ă  un salariĂ© protĂ©gĂ© toute modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail.

Ainsi, lorsque la sanction envisagĂ©e entraĂźne, ou est susceptible d’entraĂźner, une modification du contrat ou des conditions de travail, l’employeur doit informer le salariĂ© protĂ©gĂ© qu’il peut accepter ou refuser la sanction envisagĂ©e.

Dans l’affaire ayant donnĂ© lieu Ă  l’arrĂȘt de la Cour de cassation du 11 dĂ©cembre 2024, un salariĂ© protĂ©gĂ© contestait la mise Ă  pied disciplinaire de 5 jours que son employeur lui avait notifiĂ©e, et en demandait l’annulation. Il estimait que son employeur, Ă  dĂ©faut de lui avoir demandĂ© son accord prĂ©alable, ne pouvait pas, unilatĂ©ralement, dĂ©cider de lui notifier cette sanction.

La Cour d’appel avait fait droit Ă  la demande du salariĂ©, et annulĂ© la mise Ă  pied disciplinaire, estimant que celle-ci emporte une modification de sa rĂ©munĂ©ration et de sa durĂ©e du travail pendant la durĂ©e de son application. Elle en avait dĂ©duit que l’employeur ne pouvait imposer au salariĂ© cette sanction.

NĂ©anmoins, dans l’affaire commentĂ©e, la Cour de cassation n’adopte pas ce raisonnement.

Elle juge, au visa de l’article L. 2411-1, 2° du Code du travail, que la mise Ă  pied disciplinaire du salariĂ© protĂ©gé :

  • D’une part, n’a pas pour effet de suspendre l’exĂ©cution du mandat de reprĂ©sentant du personnel ;
  • D’autre part, n’emporte pas modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail.

La Cour de cassation en dĂ©duit donc, et c’est une premiĂšre, que la mise Ă  pied disciplinaire n’est pas subordonnĂ©e Ă  l’accord du salariĂ© protĂ©gĂ©.

Nous rappelons toutefois qu’une rĂ©trogradation, ou une mutation disciplinaire, elles, nĂ©cessitent bien l’accord prĂ©alable du salariĂ© (protĂ©gĂ© ou non), dĂšs lors qu’elles constituent une modification du contrat de travail. En cas de refus du salariĂ©, l’employeur peut faire le choix d’une sanction moindre, ou, et sous rĂ©serve de pouvoir en justifier, d’une mesure de licenciement, soumise Ă  autorisation de l’Inspection du travail.

(Cass. soc. 11 décembre 2024, n° 23-13.332)

Licenciement pour des faits commis lors d’une croisiĂšre : oĂč s’arrĂȘte l’autoritĂ© de l’employeur ?

Par |2025-03-06T10:18:57+01:00mars 5th, 2025|A la une, actualités générales|

Les Ă©vĂ©nements d’entreprise (sĂ©minaires, voyages, team-building
) sont souvent l’occasion de renforcer la cohĂ©sion entre collĂšgues. Mais jusqu’oĂč l’employeur peut-il contrĂŽler le comportement de ses salariĂ©s lors de ces moments qui se situent Ă  la frontiĂšre entre vie professionnelle et personnelle ?

C’est prĂ©cisĂ©ment la question posĂ©e dans un arrĂȘt rĂ©cent de la Cour de cassation (Cass. soc. 22-1-2025, n° 23-10.888).

* Dans cette affaire, une entreprise avait organisĂ© une croisiĂšre pour rĂ©compenser certains salariĂ©s laurĂ©ats d’un concours interne. Lors de ce voyage, une salariĂ©e a Ă©tĂ© accusĂ©e d’avoir fumĂ© le narguilĂ© dans sa cabine, qu’elle partageait avec une collĂšgue enceinte, et d’avoir obstruĂ© le dĂ©tecteur de fumĂ©e.

Informé de cet incident, le commandant de bord décide du débarquement anticipé de la salariée.

À son retour, son employeur considĂšre que son comportement a portĂ© atteinte Ă  l’image de l’entreprise et mis en danger la sĂ©curitĂ© des autres passagers. Il a donc dĂ©cidĂ© de la licencier pour faute grave.

La salariée, estimant que les faits commis lors de cette croisiÚre relevaient de sa vie privée, conteste son licenciement.

De son cĂŽtĂ©, l’employeur estimait que les faits, bien que commis au cours de la croisiĂšre, se rattachaient nĂ©cessairement Ă  la vie professionnelle de la salariĂ©e, en raison du contexte dans lequel ils s’Ă©taient dĂ©roulĂ©s.

Les juges quant à eux, donnent raison à la salariée.

* La Cour de cassation rappelle, une nouvelle fois, qu’un fait relevant de la vie personnelle du salariĂ© ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement Ă  une obligation dĂ©coulant du contrat de travail.

La Cour a Ă©galement prĂ©cisĂ© qu’un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise rĂ©sultant d’un fait tirĂ© de la vie personnelle du salariĂ© ne permet pas, en lui-mĂȘme, de prononcer une sanction disciplinaire.

En l’espùce, les juges constatent que :

  • Les faits reprochĂ©s Ă  la salariĂ©e se sont dĂ©roulĂ©s en dehors du temps et du lieu de travail de travail : lors de cette croisiĂšre, certes financĂ©e par l’entreprise, la salariĂ©e n’était pas sous la subordination de son employeur, et n’était pas soumise aux rĂšgles de l’entreprise ;
  • L’employeur ne dĂ©montrait pas de trouble caractĂ©risĂ© Ă  l’entreprise : les faits commis pas la salariĂ©e n’ont eu aucune rĂ©percussion sur l’activitĂ© de l’entreprise ou sur son image.

La Haute Juridiction en déduit donc que ce licenciement disciplinaire est dénué de cause réelle et sérieuse.

Cet arrĂȘt illustre, Ă  nouveau, la nĂ©cessitĂ© pour les employeurs, lors de faits survenus au cours d’un Ă©vĂ©nement d’entreprise, de bien distinguer ce qui relĂšve de la vie personnelle du salariĂ©, et ce qui relĂšve de sa vie professionnelle.

Avant de prononcer une sanction, ou de se lancer dans un licenciement pour trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise, il est essentiel de s’assurer que ces faits constituent un manquement aux obligations dĂ©coulant du contrat de travail, ou qu’ils ont un impact direct sur le fonctionnement de l’entreprise.

(Cass. soc. 22 janvier 2025 n° 23-10.888).

Aller en haut