Le non-respect des obligations liĂ©es Ă un systĂšme de surveillance des salariĂ©s nâentraine pas automatiquement lâirrecevabilitĂ© de la preuve devant les juges du fond
La mise en place dâun systĂšme de « vidĂ©oprotection » dont lâobjectif est uniquement dâassurer la sĂ©curitĂ© des locaux et ne permet pas de surveiller lâactivitĂ© des salariĂ©s nâa pas Ă faire lâobjet dâune information individuelle des salariĂ©s (L.1222-4 du Code du travail) ni dâune consultation du CSE (L. 2312-38 du Code du travail).
Ă lâinverse, dĂšs lors quâun systĂšme de « vidĂ©osurveillance » est mis en place, il doit faire lâobjet dâune information individuelle des salariĂ©s et dâune consultation du CSE prĂ©alablement Ă sa mise en place.
Lorsquâun systĂšme est hybride, les juges sâattachent Ă son utilisation effective pour dĂ©cider du  rĂ©gime applicable : Sâil permet de contrĂŽler lâactivitĂ© des salariĂ©s, il doit faire lâobjet des modalitĂ©s dâinformation et de consultations susvisĂ©es.
Ces principes sont rappelĂ©s par lâarrĂȘt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 10 novembre 2021 (n° 20-12.263).
Dans cet arrĂȘt, une salariĂ©e, employĂ©e dans une pharmacie, avait Ă©tĂ© licenciĂ©e pour faute grave en raison dâirrĂ©gularitĂ©s dans les opĂ©rations de caisse.
Pour prouver ces agissements, lâemployeur avait produit des enregistrements vidĂ©o dâun systĂšme de « vidĂ©oprotection » qui permettait Ă©galement de contrĂŽler lâactivitĂ© des salariĂ©s, selon la salariĂ©e.
La Cour dâappel de Saint-Denis de La RĂ©union, saisie de cette affaire, nâavait retenu que le but premier du systĂšme de surveillance et avait donc jugĂ© ce moyen de preuve comme licite dĂ©boutant la salariĂ©e de ses demandes.
La Cour de cassation a censurĂ© cette dĂ©cision en retenant lâutilisation effective du systĂšme de surveillance et son caractĂšre hybride (surveillance des locaux et surveillance des salariĂ©s). DĂšs lors, ce systĂšme aurait dĂ» faire lâobjet dâune information des salariĂ©s et dâune consultation prĂ©alable du CSE.
Mais lâintĂ©rĂȘt de cette dĂ©cision rĂ©side dans le fait que  la Cour de cassation  ne se prononce pas sur  la recevabilitĂ© de cette preuve quâelle considĂšre pourtant comme illicite. Elle fait ici application dâune Ă©volution rĂ©cente de sa jurisprudence en matiĂšre de droit de la preuve (Cass. Soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523).
En effet, pour la Cour de cassation lâillicĂ©itĂ© dâun moyen de preuve nâentraine pas nĂ©cessairement son rejet des dĂ©bats.
Les juges doivent apprĂ©cier si lâutilisation de cette preuve porte atteinte au caractĂšre Ă©quitable de la procĂ©dure dans son ensemble en mettant en balance le droit au respect de la vie privĂ©e du salariĂ© et le droit Ă la preuve.
La Chambre sociale laisse donc le soin Ă la Cour dâappel de renvoi de procĂ©der Ă ce contrĂŽle de proportionnalitĂ©.
Ă nâen pas douter, ce courant jurisprudentiel fera lâobjet Ă lâavenir dâautres applications que nous analyserons au fur et Ă mesure de leur parution. La Cour de cassation semble faire preuve ici de la mĂȘme volontĂ© dâouverture que lorsquâelle a abandonnĂ© sa position sur le prĂ©judice automatique du salariĂ© en 2016.