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La rupture conventionnelle, proposée comme alternative au licenciement, est-elle valable ?

Par |2023-12-13T10:14:17+01:00décembre 13th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans l’affaire qui a amenĂ© la Cour de cassation Ă  se prononcer le 15 novembre 2023 (n° 22-16.957), l’employeur, aprĂšs avoir constatĂ© divers manquements du salariĂ© l’amenant Ă  envisager la rupture de son contrat de travail, lui avait fait la proposition suivante :

  • Accepter de rompre son contrat d’un commun accord, en signant une convention de rupture conventionnelle ;
  • Ou, Ă  dĂ©faut, ĂȘtre licenciĂ© pour faute lourde.

Le salariĂ© a fait le choix de signer une rupture conventionnelle, mais a ensuite sollicitĂ© l’annulation de cette derniĂšre, estimant que son consentement avait Ă©tĂ© viciĂ©, la convention ayant Ă©tĂ© signĂ©e sous la menace d’un licenciement pour faute lourde.

La Cour de cassation rappelle que l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un diffĂ©rend entre le salariĂ© et l’employeur n’affecte pas par elle-mĂȘme la validitĂ© de la rupture conventionnelle.

En l’occurrence, la cour d’appel a constatĂ© que le salariĂ© n’avait pas usĂ© de son droit de rĂ©tractation et n’Ă©tablissait pas que la rupture conventionnelle avait Ă©tĂ© imposĂ©e par l’employeur. Ainsi, le salariĂ©, qui ne rapportait pas la preuve d’un vice du consentement, a Ă©tĂ© dĂ©boutĂ© de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

En pratique, il n’est pas rare que l’employeur, qui envisage de licencier un salariĂ©, lui propose de signer une rupture conventionnelle comme alternative Ă  celui-ci. Si cette pratique n’est pas en soi prohibĂ©e, il faut garder Ă  l’esprit qu’elle l’est tant que le consentement du salariĂ© n’est pas altĂ©rĂ©, ce qui peut ĂȘtre le cas dans un contexte de menace ou de violence exercĂ©e sur le salariĂ© pour qu’il accepte la rupture conventionnelle (Cass. soc. 23-5-2013 n° 12-13.865 ; Cass. soc. 8-7-2020 n° 19-15.441).

Cass. soc. 15-11-2023 n° 22-16.957

Les récents apports de la Cour de cassation en matiÚre de congés payés

Par |2023-12-01T12:47:37+01:00décembre 1st, 2023|actualités, actualités générales|

Pendant plusieurs annĂ©es, la Cour de cassation a pointĂ© la non-conformitĂ© du droit français avec le droit de l’Union europĂ©enne en matiĂšre de congĂ©s payĂ©s dans ses rapports et suggĂ©rĂ© une rĂ©forme, sans ĂȘtre entendue par le lĂ©gislateur. Face Ă  l’inaction de ce dernier, Ă  la mi-septembre, la Haute juridiction a rendu plusieurs arrĂȘts marquants en la matiĂšre. Le cabinet Norma en analyse les consĂ©quences ci-dessous :

 

  • Dans un premier arrĂȘt, la Cour de cassation a jugĂ©, au visa de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne, qu’en cas d’arrĂȘt de travail pour maladie ou accident d’origine non professionnelle, les salariĂ©s doivent acquĂ©rir des congĂ©s payĂ©s ( Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340), rejoignant ainsi la position europĂ©enne en la matiĂšre.

Pour rappel, il y avait une divergence entre le droit national et le droit europĂ©en sur ce point, car le Code du travail conditionne l’acquisition des congĂ©s payĂ©s Ă  l’exĂ©cution d’un travail effectif et n’assimile pas les pĂ©riodes de suspension du contrat de travail pour maladie d’origine non professionnelle Ă  du travail effectif (art. L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail).

Or, la Cour de Justice de l’Union EuropĂ©enne (CJUE) avait adoptĂ© une position diffĂ©rente, au visa de l’article 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2013 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne qui prĂ©voit que tout travailleur a droit Ă  une pĂ©riode annuelle de congĂ©s payĂ©s, sans conditions particuliĂšres.

 

  • Dans un second arrĂȘt, la Cour de cassation, se fondant une nouvelle fois sur l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne, a jugĂ© qu’en cas d’arrĂȘt de travail pour maladie ou accident d’origine professionnelle, l’acquisition des congĂ©s payĂ©s n’est plus limitĂ©e dans le temps. DĂ©sormais, les salariĂ©s acquiĂšrent des droits Ă  congĂ©s pendant toute la durĂ©e de leur absence (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638).

Jusqu’à prĂ©sent, le droit français limitait l’acquisition des congĂ©s payĂ©s au cours d’un arrĂȘt de travail d’origine professionnelle Ă  la premiĂšre annĂ©e de l’arrĂȘt de travail (art. L. 3141-5 du Code du travail).

 

  • Dans un troisiĂšme arrĂȘt, la Cour de cassation a jugĂ© que ce le dĂ©lai de prescription de trois ans en matiĂšre de rappel de salaire, appliquĂ© Ă  une demande de rappel de congĂ©s payĂ©s, ne court Ă  compter de l’expiration de la pĂ©riode lĂ©gale ou conventionnelle au cours de laquelle les congĂ©s auraient pu ĂȘtre pris, qu’à condition que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent lĂ©galement afin d’assurer au salariĂ© la possibilitĂ© d’exercer effectivement son droit Ă  congĂ© (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529).

Ainsi, dorĂ©navant, en cas d’absence d’information du salariĂ© par l’employeur, le dĂ©lai de prescription de l’action en rappel de salaire pour les congĂ©s payĂ©s ne commence pas Ă  courir et est donc inopposable en cas de contentieux, comme le prĂ©voit depuis peu le droit de l’Union europĂ©enne (CJUE, 22 septembre 2022, n° C-120/21).

Cette jurisprudence est en l’état rĂ©troactive et la Cour de cassation n’a pas prĂ©cisĂ© jusqu’à quand les salariĂ©s pourraient remonter afin de solliciter des congĂ©s payĂ©s ou une indemnitĂ© y affĂ©rant. Le conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Guy Huglo, est rĂ©cemment revenu sur la portĂ©e des arrĂȘts du 13 septembre 2023 et a indiquĂ© que, selon lui, les salariĂ©s pourraient revendiquer des congĂ©s au titre des arrĂȘts maladie depuis le 1er dĂ©cembre 2009, date d’entrĂ©e en vigueur du TraitĂ© de Lisbonne qui a donnĂ© une force juridique contraignante Ă  la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne sur laquelle se sont fondĂ©es la Cour de cassation et la CJUE pour rendre leurs dĂ©cisions en matiĂšre de congĂ©s payĂ©s. Une telle position devra cependant ĂȘtre confirmĂ©e par la jurisprudence Ă  l’occasion d’un litige.

 

  • Enfin, dans un dernier arrĂȘt, se conformant de nouveau au droit europĂ©en en citant notamment des arrĂȘts de la CJUE et la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, la Cour de cassation a jugĂ© que les congĂ©s payĂ©s acquis, mais non utilisĂ©s d’un salariĂ© qui part en congĂ© parental d’éducation sont reportĂ©s et conservĂ©s jusqu’à son retour de ce congĂ© (Cass. Soc, 13 septembre 2023, n° 22-14.043).

Pour rappel, jusqu’à cet arrĂȘt, la jurisprudence française, partant du principe que seule l’impossibilitĂ© de prendre les congĂ©s du fait de l’employeur pouvait donner lieu Ă  une indemnisation, jugeait qu’un salariĂ© partant en congĂ© parental d’éducation sans avoir pris l’ensemble de ses congĂ©s payĂ©s en perdait le bĂ©nĂ©fice (Cass. Soc., 5 mai 1999, n° 97-41.421 ; 28 janvier 2004, n° 01-46.314). Cela ne sera dorĂ©navant plus le cas.

 

Ces décisions qui mettent en conformité la jurisprudence nationale avec la jurisprudence européenne vont nécessiter, outre une mise en conformité des textes du code du travail par le législateur, une adaptation des logiciels de paie des entreprises afin que ces nouveautés soient prises en compte.

L’employeur ne peut pas conditionner le remboursement des trajets domicile-travail Ă  un critĂšre d’éloignement gĂ©ographique

Par |2023-10-20T15:40:19+02:00octobre 20th, 2023|actualités, actualités générales|

En application des articles L. 3261-2 et R. 3261-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre en charge, Ă  hauteur de 50% minimum, le prix des titres d’abonnements souscrits par les salariĂ©s pour les dĂ©placements accomplis au moyen d’un transport public entre leur rĂ©sidence habituelle et le lieu de travail.

Selon la Cour de cassation, l’employeur a l’obligation de prendre en charge les abonnements transports des salariĂ©s, quand bien mĂȘme ils auraient choisi de vivre loin de leur lieu de travail (Cass. soc. 12-12-2012 n° 11-25.089).

Pour l’administration, l’obligation de prise en charge des frais de transports est de portĂ©e gĂ©nĂ©rale : les salariĂ©s qui ont Ă©tabli leur rĂ©sidence habituelle loin de leur lieu de travail, mĂȘme pour des convenances personnelles, doivent en bĂ©nĂ©ficier (BOSS-FP-530).

RĂ©cemment, la Cour d’appel de Paris a rappelĂ©, dans un arrĂȘt du 14 septembre 2023, que l’employeur devait bien rembourser les frais de transport des salariĂ©s, quel que soit leur lieu de rĂ©sidence.

Dans cette affaire, les salariés résidant dans une autre région que la région parisienne, et dont le temps de trajet entre leur domicile et le lieu de travail était supérieur à 4 heures de transports en train aller-retour, étaient exclus de la prise en charge financiÚre de leurs abonnements, dÚs lors que cet éloignement géographique résultait de convenances personnelles.

Sans surprise, les juges ont estimĂ© que l’employeur ne pouvait conditionner le remboursement des frais de transport en commun Ă  un critĂšre d’éloignement gĂ©ographique, et l’employeur a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  rĂ©gulariser la situation.

CA Paris 14-9-2023 n° 22/14610.

L’enregistrement Ă  l’insu de l’employeur n’est pas constitutif d’un dĂ©lit d’atteinte Ă  la vie privĂ©e

Par |2023-10-17T12:42:58+02:00octobre 17th, 2023|actualités, actualités générales|

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugĂ© dans un arrĂȘt du 12 avril 2023 (n° 22-83.581) que l’enregistrement de l’employeur Ă  son insu, par un dĂ©lĂ©guĂ© syndical ayant assistĂ© un salariĂ© lors d’un entretien prĂ©alable Ă  un licenciement, n’était pas constitutif d’un dĂ©lit d’atteinte Ă  la vie privĂ©e prĂ©vu par l’article 226-1 du code pĂ©nal.

Selon la chambre criminelle, pour ĂȘtre constituĂ©, un tel dĂ©lit doit rĂ©unir les conditions cumulatives suivantes :

  • Un enregistrement au moyen d’un appareil quelconque ;
  • Des paroles prononcĂ©es dans un lieu privĂ© par une personne sans consentement ;
  • Des paroles portant relevant de la sphĂšre privĂ©e et intime.

Au cas d’espĂšce, les juges ont considĂ©rĂ© que la derniĂšre condition n’était pas remplie, car les propos enregistrĂ©s provenaient d’une conversation dans un cadre professionnel. Ils ont donc rejetĂ© toute responsabilitĂ© du dĂ©lĂ©guĂ© syndical.

La Cour de cassation confirme ainsi une jurisprudence antĂ©rieure oĂč elle avait validĂ© un raisonnement analogue dans le cas oĂč un salariĂ© avait enregistrĂ© les propos d’un collĂšgue lors d’un Ă©change dans le bureau de ce dernier (Crim 16 janvier 1990, n° 89-83.075).

Cette confirmation de la jurisprudence de la chambre criminelle doit amener les employeurs Ă  davantage de prĂ©cautions lors des Ă©changes avec les salariĂ©s, d’autant plus depuis que la chambre sociale a fait Ă©voluer sa jurisprudence sur la recevabilitĂ© de preuves issues de dispositifs illicites, acceptant leur production sous rĂ©serve d’un contrĂŽle de proportionnalitĂ© entre le droit au respect Ă  la vie privĂ©e et le droit Ă  la preuve.

Dispense de reclassement du salariĂ© inapte : attention Ă  la rĂ©daction de l’avis d’inaptitude

Par |2023-10-10T12:10:06+02:00octobre 10th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans une affaire soumise Ă  la Cour de cassation le 13 septembre 2023 (n°22-12.970), les juges se sont prononcĂ©s sur la dispense expresse de reclassement d’un salariĂ© dĂ©clarĂ© inapte Ă  son poste par le mĂ©decin du travail.

Le mĂ©decin du travail avait indiquĂ© dans l’avis d’inaptitude que « Tout maintien du salariĂ© dans un emploi dans cette entreprise serait gravement prĂ©judiciable Ă  sa santĂ© ».

L’employeur a alors estimĂ© qu’il Ă©tait expressĂ©ment dispensĂ©, par le mĂ©decin du travail, de rechercher un emploi oĂč reclasser le salariĂ© inapte. Le salariĂ© a donc Ă©tĂ© licenciĂ© pour inaptitude, sans que l’employeur n’effectue de recherches de reclassement.

Estimant que l’avis d’inaptitude ne dispensait par l’employeur de cette recherche de reclassement, le salariĂ© a contestĂ© son licenciement.

La Cour de cassation rappelle que lorsque le mĂ©decin du travail a mentionnĂ© expressĂ©ment dans son avis que tout maintien du salariĂ© dans un emploi serait gravement prĂ©judice Ă  sa santĂ© ou que l’état de santĂ© fait obstacle Ă  tout reclassement dans un emploi, l’employeur est effectivement dispensĂ© de chercher un reclassement.

Or, dans cette affaire, le médecin du travail avait indiqué que tout maintien du salarié dans un emploi de cette entreprise, serait gravement préjudiciable à la santé du salarié.

Pour les juges, cette indication n’impliquait pas l’éloignement du salariĂ© de toute situation de travail, et ne dispensait pas l’employeur de procĂ©der aux recherches de reclassement.

Les juges estiment donc que l’employeur a manquĂ© Ă  son obligation de reclassement et le licenciement pour inaptitude physique est dĂ©pourvu de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.

La dĂ©cision peut paraitre sĂ©vĂšre Ă  l’égard de l’employeur, mais est, en rĂ©alitĂ©, conforme Ă  la position du lĂ©gislateur qui a souhaitĂ© rĂ©server la dispense aux seuls cas dans lesquels le salariĂ© est inapte Ă  tout emploi, quel qu’il soit.

Cette dĂ©cision incite Ă  la vigilance quant Ă  la rĂ©daction de l’avis d’inaptitude. En cas de doute sur la formulation utilisĂ©e par le mĂ©decin du travail, nous vous conseillons de solliciter ce dernier, pour obtenir une prĂ©cision sur la portĂ©e de l’avis d’inaptitude.

Cour de cassation le 13 septembre 2023, n°22-12.970

Inaptitude au poste et reclassement : l’employeur doit-il proposer des postes d’une catĂ©gorie d’emploi supĂ©rieure ?

Par |2023-09-22T09:32:50+02:00septembre 22nd, 2023|actualités, actualités générales|

* Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat le 21 juillet 2023, l’employeur avait sollicitĂ© l’autorisation de licenciement pour inaptitude physique, d’un salariĂ© protĂ©gĂ©.

L’inspecteur du travail, puis le ministre du travail, avaient refusĂ© de dĂ©livrer cette autorisation au motif que la sociĂ©tĂ© n’avait pas satisfait Ă  son obligation de recherche sĂ©rieuse de reclassement. Toutefois, ces dĂ©cisions, Ă©tant entachĂ©es d’un vice de procĂ©dure, le Tribunal administratif les a annulĂ©es.

Le salariĂ© s’est alors vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilitĂ© de reclassement.

La sociĂ©tĂ© a ensuite recherchĂ© la responsabilitĂ© de l’Etat afin d’obtenir rĂ©paration du prĂ©judice du fait de l’illĂ©galitĂ© des dĂ©cisions de refus d’autorisation de licenciement.

* Pour statuer sur l’indemnisation du prĂ©judice de la SociĂ©tĂ©, le Conseil d’Etat Ă©tait amenĂ© Ă  vĂ©rifier si l’employeur avait bien respectĂ© son obligation de reclassement.

Le Conseil d’Etat a alors rappelĂ© qu’en cas d’inaptitude physique mĂ©dicalement constatĂ©e par le mĂ©decin du travail, le licenciement ne peut ĂȘtre autorisĂ© que dans le cas oĂč l’employeur n’a pu reclasser le salariĂ© dans un emploi appropriĂ© Ă  ses capacitĂ©s, aussi comparable que possible Ă  l’emploi prĂ©cĂ©demment occupĂ©.

Dans cette affaire, les juges ont relevĂ© qu’il existait d’autres postes de travail Ă©quivalents aux foncions exercĂ©es par le salariĂ© inapte, qui ne lui avaient pas Ă©tĂ© proposĂ©s par la SociĂ©tĂ©.

Pour le Conseil d’Etat, les emplois disponibles dans l’entreprise Ă©taient Ă©quivalents Ă  l’emploi prĂ©cĂ©demment occupĂ© par le salariĂ©, quand bien mĂȘme ces derniers relevaient d’une catĂ©gorie d’emploi, celle de cadre, supĂ©rieure Ă  celle Ă  laquelle appartenait le salariĂ©, employĂ© en tant qu’agent de maĂźtrise.

Pour le Conseil d’Etat, « cette seule circonstance ne saurait, par elle-mĂȘme, faire obstacle Ă  ce que ces postes aient Ă©tĂ© au nombre de ceux qui devaient ĂȘtre proposĂ©s par l’employeur au salariĂ© au titre de ses obligations en matiĂšre de reclassement ». Et ce, mĂȘme si, admet-il, « il pouvait en ĂȘtre tenu compte, parmi d’autres Ă©lĂ©ments, pour apprĂ©cier la comparabilitĂ© des postes disponibles aux fonctions jusqu’alors exercĂ©es » par le salariĂ©.

Autrement dit, un poste d’une catĂ©gorie d’emploi supĂ©rieure Ă  celle du salariĂ© inapte ne doit pas ĂȘtre exclu d’emblĂ©e des postes susceptibles d’ĂȘtre proposĂ©s au salariĂ© au titre du reclassement. En effet, dĂšs lors qu’au regard du contenu du poste ou du profil du salariĂ©, ce dernier est susceptible de l’occuper, il y a lieu de le lui proposer.

Les juges ont donc estimĂ© que la SociĂ©tĂ© n’avait pas respectĂ© son obligation de reclassement, et ont dĂ©boutĂ© la SociĂ©tĂ© de sa demande d’indemnisation.

CE 21 juillet 2023, n° 457196

Une preuve illicite n’est pas recevable en justice dùs lors que l’employeur dispose d’un autre moyen de preuve

Par |2023-07-17T15:20:19+02:00juillet 17th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans un arrĂȘt du 8 mars 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue complĂ©ter sa jurisprudence en matiĂšre de recevabilitĂ© de la preuve (Cass. Soc., 8 mars 2023, n°21-17.802).

Rappelons que la Haute juridiction considĂšre, depuis un arrĂȘt « AFP » du 25 novembre 2020, que l’illicĂ©itĂ© d’un moyen de preuve n’entraĂźne pas nĂ©cessairement son rejet des dĂ©bats (Cass. Soc., 25 novembre 2020, n°17-19.523).

Dans l’affaire commentĂ©e, une salariĂ©e a Ă©tĂ© licenciĂ©e pour faute grave pour vols et abus de confiance. A la suite d’un audit mis en place au sein de l’entreprise, l’employeur avait des soupçons, qui ont ensuite Ă©tĂ© confirmĂ©s par des images de vidĂ©osurveillance. La salariĂ©e a contestĂ© son licenciement. Dans le cadre du contentieux, l’employeur produisait les images de vidĂ©osurveillance, mais pas le rapport d’audit, estimant manifestement que les premiĂšres constituaient la preuve irrĂ©futable et suffisante des vols commis.

La Cour d’appel a tout d’abord considĂ©rĂ© que les images issues de la vidĂ©osurveillance Ă©taient illicites car l’employeur n’avait pas informĂ© la salariĂ©e du dispositif ni sollicitĂ© d’autorisation prĂ©fectorale.

Elle a ensuite jugĂ© que la production de la vidĂ©osurveillance n’était pas indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve dans la mesure oĂč il existait d’autres Ă©lĂ©ments susceptibles de rĂ©vĂ©ler les irrĂ©gularitĂ©s reprochĂ©es Ă  la salariĂ©e.

La Cour de cassation a validĂ© cette interprĂ©tation, considĂ©rant que la production des enregistrements litigieux n’Ă©tait pas indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve de l’employeur, dĂšs lors que celui-ci disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versĂ© aux dĂ©bats.

En conclusion, il demeure pĂ©rilleux d’étayer un licenciement au moyen de « preuves illicites ». Cela doit rester un ultime recours.

Voir aussi : La vie privĂ©e Ă  l’Ă©preuve du droit Ă  la preuve

NullitĂ© du licenciement pour dĂ©nonciation du harcĂšlement moral : la Cour de cassation abandonne l’exigence de qualification des faits

Par |2023-07-17T15:04:34+02:00juillet 17th, 2023|actualités, actualités générales|

Le Code du travail protĂšge le salariĂ© ayant relatĂ© des agissements de harcĂšlement moral. DĂšs lors, si le salariĂ© Ă©tĂ© licenciĂ© pour avoir dĂ©noncĂ© des faits de harcĂšlement moral, son licenciement est nul, sauf en cas de mauvaise foi, c’est-Ă -dire si le salariĂ© avait connaissance de la faussetĂ© des faits dĂ©noncĂ©s (art. L. 1152-2 et L.1152-3 du Code du travail).

PrĂ©alablement Ă  l’arrĂȘt objet du prĂ©sent commentaire, la Cour de cassation conditionnait la protection du salariĂ© Ă  la qualification des faits de harcĂšlement moral (Cass. Soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045).

Toutefois, dans un arrĂȘt du 19 avril 2023, la Haute juridiction a assoupli sa jurisprudence (Cass. Soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053).

En l’espĂšce, une salariĂ©e a Ă©tĂ© licenciĂ©e pour faute grave pour avoir mis en cause l’attitude et les dĂ©cisions prises sa direction. ConsidĂ©rant avoir subi et dĂ©noncĂ© des agissements de harcĂšlement moral, elle a saisi le Conseil de prud’hommes afin que la nullitĂ© de son licenciement soit reconnue. La Cour d’appel a fait droit Ă  sa demande.

L’employeur a alors formĂ© un pourvoi en cassation, en s’appuyant sur la jurisprudence de 2017 qui imposait au salariĂ© de qualifier les faits de harcĂšlement moral afin de bĂ©nĂ©ficier de la protection. L’employeur soulignait que la salariĂ©e n’avait jamais mentionnĂ© le terme de « harcĂšlement » dans son courrier ayant fondĂ© son licenciement pour faute grave.

Dans l’arrĂȘt commentĂ©, la Cour de cassation a procĂ©dĂ© Ă  un revirement de jurisprudence. Elle considĂšre dĂ©sormais que, lorsqu’au regard des termes employĂ©s par le salariĂ©, l’employeur ne pouvait lĂ©gitimement ignorer que le salariĂ© dĂ©nonçait des faits de harcĂšlement moral, alors le salariĂ© bĂ©nĂ©ficie de la protection contre le licenciement, peu important qu’il n’ait pas qualifiĂ© les faits de harcĂšlement moral au moment de leur dĂ©nonciation. En l’espĂšce, la salariĂ©e avait fait Ă©tat d’une dĂ©gradation de ses conditions de travail et de son Ă©tat de santĂ©, ce qui caractĂ©rise le harcĂšlement moral et suffit donc Ă  lui attribuer le bĂ©nĂ©fice de la protection.

En conclusion, prudence avant de licencier un salarié ayant dénoncé des faits pouvant constituer un harcÚlement moral !

Forfait jours : le mode de dĂ©compte des jours travaillĂ©s ne doit pas porter atteinte Ă  l’autonomie des salariĂ©s

Par |2023-07-11T12:00:27+02:00juillet 11th, 2023|actualités, actualités générales|

En application de l’article L. 3121-58 du Code du travail, seuls les salariĂ©s autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’annĂ©e.

Sauf contrainte liĂ©e Ă  l’organisation du travail, cette autonomie doit ĂȘtre rĂ©elle et complĂšte, ce qui n’est pas compatible avec le fait, par exemple, de devoir respecter un planning (Cass. soc., 31 oct. 2007, n° 06-43.876).

RĂ©cemment, la Cour de cassation a jugĂ©, dans un arrĂȘt du 7 juin 2023, que le forfait jours Ă©tait incompatible avec l’obligation faite au salariĂ©, de pointer lors de chaque demi-journĂ©e de travail, ce pointage donnant lieu Ă  des relevĂ©s informatiques reprenant chaque jour les heures d’arrivĂ©e et de dĂ©part et le nombre d’heures travaillĂ©es (Cass. soc., 7 juin 2023, n° 22-10.196).

Les juges relĂšvent Ă©galement que le collaborateur concernĂ© devait comptabiliser six heures de prĂ©sence dans l’entreprise, pour qu’une journĂ©e de travail soit dĂ©comptĂ©e de son forfait, Ă©lĂ©ment qui remettait Ă©galement en cause l’autonomie du salariĂ© Ă  organiser de son emploi du temps.

La Cour de cassation en dĂ©duit donc que le salariĂ©, dĂ©pourvu d’autonomie dans la gestion de son emploi du temps, ne pouvait conclure de convention de forfait jours : il se voit alors appliquer la durĂ©e de travail de droit commun (35h/semaine) et peut, entre autres, revendiquer le paiement d’heures supplĂ©mentaires.

Cette dĂ©cision complĂšte la jurisprudence de la Cour sur le forfait jours, et tente d’en prĂ©ciser le contour en faisant cohabiter, prĂ©servation de l’autonomie du salariĂ©, critĂšre d’éligibilitĂ© du salariĂ© au forfait jours, et obligation de contrĂŽle de l’employeur. Il s’agit ici de rappeler que le contrĂŽle de l’employeur porte sur la charge de travail et le nombre de jours de travail, et ne saurait consister en des relevĂ©s horaires.

Voir aussi : Forfait jours, entre autonomie du salariĂ© et pouvoir de direction de l’employeur.

PrĂ©cision des motifs Ă©conomiques en cas d’acceptation du CSP par le salariĂ©

Par |2023-05-30T10:55:22+02:00mai 30th, 2023|actualités, actualités générales|

En cas de licenciement Ă©conomique et de proposition du contrat de sĂ©curisation professionnelle (ci-aprĂšs CSP) au salariĂ©, l’employeur doit lui notifier le motif Ă©conomique de la rupture de son contrat de travail, par Ă©crit, au cours de la procĂ©dure de licenciement et au plus tard au moment de son acceptation du CSP. A dĂ©faut, le licenciement est considĂ©rĂ© comme Ă©tant dĂ©pourvu de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse (Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 21-19.349).

NĂ©anmoins, dans un arrĂȘt rendu le 05 avril dernier, la Cour de cassation offre une possibilitĂ© de rattrapage Ă  l’employeur et a considĂ©rĂ© qu’il pouvait prĂ©ciser, soit Ă  son initiative, soit Ă  la demande du salariĂ©, le motif Ă©conomique de la rupture du contrat dans le dĂ©lai de 15 jours suivant l’adhĂ©sion du salariĂ© au CSP (Cass. soc., 05 avril 2023, n° 21-18.636).

En effet, depuis le 1er janvier 2018, l’employeur peut, soit Ă  son initiative soit Ă  la demande du salariĂ©, prĂ©ciser les motifs Ă©noncĂ©s dans la lettre de licenciement, dans un dĂ©lai de 15 jours Ă  compter de la notification du licenciement (articles L. 1235-2 et R. 1233-2-2 du Code du travail).

La Cour de cassation a alors appliquĂ© cette procĂ©dure de rattrapage dans l’hypothĂšse d’un licenciement pour motif Ă©conomique Ă  la suite de l’adhĂ©sion du salariĂ© au contrat de sĂ©curisation professionnelle (CSP).

Toutefois, nous rappelons que l’employeur reste tenu d’énoncer l’ensemble des motifs Ă©conomiques de la rupture du contrat de travail (cause Ă©conomique et incidence sur l’emploi ou le contrat) dans le document remis au salariĂ© au plus tard au moment de l’acceptation du CSP. Ce n’est qu’en cas d’imprĂ©cision (et donc Ă  titre exceptionnel) que l’employeur pourra, dans un dĂ©lai de 15 jours suivant l’adhĂ©sion du salariĂ© au CSP, apporter des prĂ©cisions sur les motifs Ă©conomiques de la rupture.

Voir aussi : Des prĂ©cisions sur le licenciement Ă©conomique d’un salariĂ© en arrĂȘt maladie

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