La Cour de cassation a rendu récemment un arrêt qui démontre un infléchissement en matière de preuve illicite (Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-23.073).
Dans cette espèce, une société constate des anomalies dans ses stocks et soupçonne d’abord un vol par des clients. Toutefois, à la suite du visionnage des enregistrements issus de la vidéo protection, cette hypothèse est écartée.
La responsable de la société décide alors de suivre les produits lors de leur passage en caisse et de croiser les séquences vidéo sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journaux informatiques de vente.
En moins de deux semaines, elle a alors relevé au total dix-neuf anomalies graves à la caisse d’une salariée, entraînant ainsi son licenciement pour faute grave.
Cette salariée conteste cette rupture en soulevant que la preuve des griefs qui lui sont reprochés est illicite dès lors qu’il s’agit de l’utilisation disproportionnée de données personnelles issues d’un système de vidéosurveillance.
Toutefois, les juges du fond ont souligné que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par la seule dirigeante de l’entreprise.
Ils en ont donc déduit que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.
La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel, et considère qu’elle a mis en balance de manière circonstanciée le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise.
Attention toutefois, cela ne signifie pas que l’utilisation d’images issues d’un système de vidéosurveillance sera systématiquement considérée par les juges comme licite. Cette utilisation doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au regard du but poursuivi par l’employeur.